Selon une nouvelle étude conjointe de chercheurs de l’Université de Jérusalem et de chercheurs français, la région du cerveau utilisée pour la lecture ne requiert pas que le sujet possède la vision.
Le Docteur A. Amedi travaille pour l’Institut de Recherche Médicale Israël-Canada et le Centre Edmond et Lily Safra pour la recherche sur le Cerveau à l’Université de Jérusalem ; il a dirigé l’équipe de chercheurs dont les travaux sont publiés dans le dernier numéro de Current Biology.
L’étude des images cérébrales d’aveugles qui lisent des mots en Braille révèle que la zone du cerveau activée est précisément la même que chez des personnes non aveugles lors de l’activité de lecture. Ces découvertes remettent en cause la notion généralement admise qu’il existe dans le cerveau des régions spécialisées en fonction des sens responsables de l’acquisition des informations, disent les chercheurs. « Le cerveau n’est pas une machine sensorielle, c’est une machine de travail, » dit le Docteur Amir Amedi. « Une zone particulière accomplit une fonction unique, indépendamment de la modalité d’acquisition sensorielle, » dit-il.
À la différence d’autres tâches que le cerveau exécute, la lecture est une invention récente, remontant à environ 5.400 ans. Le Braille a été utilisé pendant moins de 200 ans. « Ce n’est pas suffisant pour que l’évolution forme un module cérébral consacré à la lecture, » a expliqué A.Amedi.
Néanmoins, les images de scanners du cerveau ont montré qu’une partie très spécifique du cerveau, appelée Visual Word Form Area ou VWFA, d’abord découverte par le Docteur Laurent Cohen de Paris, (coauteur de l’article), est associée à la lecture. Mais personne ne savait ce qui se passait chez les aveugles qui apprennent à lire sans avoir eu d’expérience visuelle auparavant.
Dans la nouvelle étude, l’équipe d’Amedi, a utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRM) pour mesurer l’activité neuronale chez huit personnes nées aveugles pendant qu’ils lisent en Braille des mots ou des écritures n’ayant pas de sens. Si le cerveau était organisé autour du traitement d’informations sensorielles, on pourrait s’attendre à ce que la lecture en Braille active des régions dédiées au traitement d’informations tactiles, explique Amedi ; si, au contraire, le travail du cerveau est axé sur la nature des tâches, le pic d’activité se situerait dans le VWFA, comme pour les lecteurs voyants et c’est exactement cela que les chercheurs ont constaté. Les signaux liés à l’activité cérébrale dans le VWFA chez les lecteurs aveugles et voyants sont indiscernables.
Les principales propriétés fonctionnelles du VWFA identifiées chez les voyants sont également présentes chez les aveugles ; elles sont donc indépendantes de la modalité sensorielle de lecture et ne nécessitent pas une expérience visuelle, » ont écrit les chercheurs. « Cette constatation renforce la théorie méta modale de fonction cérébrale, pour laquelle les régions cérébrales sont définies par les calculs qu’elles exécutent.
Les chercheurs suggèrent que le VWFA serait une zone d’intégration multi sensorielle capable de transformer des fonctionnalités simples en éléments plus complexes, et par là idéale pour exécuter la tâche de lecture qui est relativement récente. « Son emplacement anatomique et la connectivité forte vers les régions spécifiques du langage permettent d’y établir une relation entre une représentation élaborée du mot et les composants liés à la lecture du mot d’une langue, » ont-ils dit. « C’est donc la région la plus appropriée pour la tâche de lecture même lorsque celle-ci est acquise via le contact sans vision. »
A. Amedi dit, qu’avec ses associés, il prévoit d’examiner l’activité cérébrale chez des personnes apprenant à lire en Braille pour la première fois afin de voir comment se passe la prise de contrôle. « Ce que nous voulons découvrir est : comment et à quelle vitesse le cerveau travaille pour traiter l’information et la transformer en mots. «