Le concept de base, intuitif, c’est qu’on peut représenter le monde à l’aide de lignes … alors qu’il n’y a pas de lignes dans notre environnement ! (ex : Lascaux). C’est parce que notre cerveau introduit des éléments supplémentaires. La vision, c’est avant tout un processus de traitement de l’information, et non de la transmission d’image. De plus, la vision centrale et la vision périphérique ne fonctionnent pas de la même manière.
Le cerveau n’analyse pas la lumière, mais le contraste, et peut introduire des informations additionnelles par l’analyse du contraste.
Ce traitement de l’information est simple, local, en opposition.
Pour la 3D, plusieurs informations contribuent : l’ombre, le mouvement relatif, la stéréoscopie, etc. De nombreux peintres se sont trompés dans l’interprétation des ombres, des reflets, créant des œuvres qui ne correspondent évidemment pas à la réalité (reflets chez Vermeer, ombres sur la place Saint-Marc).
Ombres, reflets, sources d’erreurs sur de nombreuses oeuvres…
La vision fait intervenir deux processus cognitifs : la reconnaissance (des objets, des visages, des couleurs), et la localisation (espace, déplacement, profondeur), ce dernier ne faisant pas intervenir la couleur. On le sait parce qu’on a constaté que la vision fonctionne différemment chez des personnes qui ont des lésions de ces deux régions, appelées the what system and the where system.
Cette vision spatiale ne fait pas intervenir la couleur mais le contraste de luminance. Pour s’en convaincre, regarder des œuvres de Warhol avec des lunettes avec des filtres bleu et rouge pour différencier ce que l’on voit.
L’équiluminance crée une illusion de vitesse ou de déplacement, qui rend particulièrement difficile la lecture, pour peut créer des illusions d’optiques.
La capacité de percevoir les couleurs fonctionne en basse résolution. D’où un tas d’illusions d’optiques, et jusqu’à la perception du sourire de la Joconde, plus évident lorsqu’on observe ses yeux que sa bouche, d’où son succès : son sourire change selon la zone du tableau que l’on regarde.
Détail du sourire de la Joconde, source: Wikipedia
Pour voir la différence entre vision centrale et vision périphérique, il faut s’intéresser au pointillisme, ou à ces tableaux composés de plus petits éléments, comme des photos.
En analysant la réaction de cellules qui agissent dans la reconnaissance de visages, on constate que ces cellules réagissent sur des caractéristiques spécifiques – chacune se spécialise – et que leur fonctionnement permet essentiellement de calculer l’écart entre un visage en cours d’analyse et une valeur moyenne. C’est ce qui explique, entre autres, que les caricatures sont plus faciles à reconnaître, paradoxalement, qu’un simple dessin.
On le voit aussi sur le dessin d’un enfant : à trois ans, un enfant représente un individu comme un visage avec des jambes et des bras : c’est ce que son système d’analyse d’image est capable d’interpréter en premier.
L’analyse en IRM permet de déterminer que des régions différentes sont impliquées dans la reconnaissance de visages, d’endroits, d’éléments du corps, de texte… C’est ce qui permet aux artistes qui créent des œuvres de tailles exagérées ou placées au mauvais endroit de produire une analyse différente, de nous permettre de « voir avec un regard différent ».
Les personnes qui souffrent de dyslexie ont probablement des problèmes au niveau du « where system ». La dyslexie touche particulièrement des artistes, musiciens, peintres, etc. Peut-être parce que leur déficience du « where system » les contraint à développer plus leur « what system ». 10% des individus souffrent d’un déficit de perception de la stéréoscopie, 3% souffrent de strabisme. Rembrandt par exemple ne percevait probablement pas la stéréoscopie, en raison d’une déviation de ses yeux, perceptible sur l’ensemble de ses autoportraits.
Les auto-portraits de Rembrandt illustrent la pathologie dont il souffrait