Qu’est ce qui explique les capacités cognitives de l’homme par rapport aux primates ?
Le cerveau des mammifères a commencé à se développer en poids et en volume il y a 200 millions d’années. Il y a 4 à 8 millions d’années, des divergences se sont formées entre la branche des chimpanzés et celle de l’homo sapiens. Mais sur les 200 000 dernières années, la taille de notre cerveau n’a pas évolué. Paradoxalement, notre créativité s’est développée, depuis, sans que de changements majeurs ne se soient produits sur la taille ce cet organe.
Autre constat, nous ne sommes pas les seuls mammifères capables de créativité : des tableaux de chimpanzés ont été conçus (1954-1964, Desmond Morris). Les chimpanzés femelles semblent d’ailleurs plus créatifs que leurs congénères males.
Une des réalisations du chimpanzé « Congo » (Source: wikipedia)
La grotte de Chauvet, la grotte de Lascaux, offrent des témoignages de la créativité de nos ancêtres, capables de projeter une transcription de leur univers.
Qu’est ce qui fait que les humains sont des êtres créatifs ? Voici six idées (mais non des preuves).
1- Est-ce le poids du cerveau ? Absolument pas. Le cerveau d’Einstein pesait 1,2kg, celui d’Anatole France 1,1kg, alors que la moyenne chez l’homme est autour de 1,5kg. Mais c’est le nombre de cellules qui est le facteur le plus important (schéma de Suzana Herculana Houzel sur la taille des cerveaux de mammifères). Paradoxalement, l’éléphant a plus de cellules au total, mais la majorité n’est pas située dans le cortex.
1- la créativité provient du nombre de cellules au sein du cerveau, et particulièrement au sein du cortex. Il y a une corrélation entre le nombre de cellules du cortex et la capacité créatrice.
2- le nombre de connexions entre les cellules a également son importance. Le cerveau humain est particulièrement connecté.
Par exemple, quand je parle d’un verre d’eau, je fais participer la vision, le goût, le toucher, bref de nombreux concepts qui sont corrélés grâce à l’interconnexion des différentes régions de notre cerveau. Si la vision était déconnectée du toucher, par exemple, nous aurions plus de mal à formuler le concept de soif.
3- Dans un mm3 de cerveau, on trouve 4km de connexion et de l’ordre de 100 millions de connexions : le cerveau humain est extrêmement dense. La génération de concepts peut s’effectuer à l’échelon local de ce fait.
4- La maturation est un processus lent. Il faut de l’ordre de 6 ans au petit homme pour développer un cerveau capable de fonctionner comme celui d’un adulte. Si le cerveau se développait plus vite, il serait beaucoup plus difficile d’y introduire de nouveaux concepts : il aurait du mal à apprendre aussi vite que le fait un enfant. Pour comprendre les choses compliquées, notre cerveau aurait besoin d’un processus de développement lent.
5- Le ratio synapses / neurones est plus important chez l’homme que chez les autres espèces. Notre évolution a produit des cellules capables de communiquer avec un nombre de cellules plus important que chez les autres mammifères : cela nous permet de développer plus de répertoires d’activité.
En fait, on est désormais capables de visualiser et mesurer précisément le nombre d’épines le long d’une dendrite.
6- Le cerveau est capable de fonctionner même dans des environnements imprécis, avec des signaux bruités. Le cerveau produit en permanence un signal bruité (pas d’un point de vue sonore mais électrique), qui lui permet de générer plusieurs activités en parallèle en permanence. Cette capacité à générer du bruit serait à l’origine de la créativité : en regardant un visage, on est capable de lui associer différents concepts grâce à ce bruitage. Le cerveau est en fait une machine « stochastique ».
Une des conséquences de ces six idées, c’est qu’en partitionnant les compétences entre les domaines, on limite la capacité créatrice de l’humanité. En séparant les musées scientifiques et les musées à prédominance artistique, on se trompe grossièrement : pour Idan Segev, science et culture devraient être plus souvent réunis. Vive l’inter-discplinarité !