Son intérêt pour ce domaine provient d’un cas, une méningite gravissime chez une patiente de 36 ans. Cette dame souffrait d’une surdité complète : elle ne pouvait plus reconnaître les sons, mais continuait à danser. En 1985, en creusant le sujet, il découvre 13 cas de patients qui avaient perdu la perception de la musique.
Par EEG, on est capable de découvrir les zones impliquées dans l’audition. La musique est gérée par les deux lobes temporaux. Une aire permet de distinguer les hauteurs des notes, une autre région permet de strier les stimuli auditifs : c’est là que sont gérées les harmoniques : les harmoniques permettent de distinguer les timbres. Selon la zone touchée, on constate des pathologies différentes : certains n’entendent plus, d’autres entendent mais ne peuvent plus reconnaître ce qu’on les a fait écouter.
Le père de Proust a eu une intuition importante, constatant qu’on pouvait souffrir d’aphasie sans perdre la perception de la musique : l’aphasie et l’amusie sont des pathologies différentes, et concernent des régions différentes du cerveau. L’aphasie concerne le cerveau gauche, l’amusie la région de droite. On peut souffrir d’Alzheimer mais continuer à percevoir la musique : il existe des chorales d’Alzheimer !
Il existe trois niveaux de perception d’un son :
- reconnaître la nature
- reconnaître les différents constituants
- identifier ou retrouver
On trouve par exemple de très bons exécutants, qui sont incapables de reconnaître ce qu’ils ont joué.
Pour Hervé Platel, il s’agit d’un travail sur quatre caractéristiques à partir d’une bande unique de stimuli:
- traitement sémantique
- attention à la hauteur (pitch)
- attention au rythme
- attention au timbre
La hauteur fait appel à l’hémisphère cérébral gauche, mais fait aussi travailler les centres impliqués dans la vision.
Le rythme est perçu par les deux hémisphères cérébraux.
Hémisphère gauche :
- formules rythmiques
- hauteurs, intervalles
- identifications
Hémisphère droit:
- mètres (tempo général)
- mélodies
- timbres
Deux cas, pour finir
Premier cas, un chef de cœur, né en 1928, qui du jour au lendemain, ne reconnaît plus les mélodies : il reconnaît les voix, identifie bien les bruits, mais tout le monde semble chanter faux autour de lui. Hospitalisé à Besançon, on lui a d’abord examiné les oreilles : parfaites. Aucun signe neurologique non plus. Mais suite à un IRM, un infarctus temporal postérieur droit, suppléé par d’autres canaux sanguins, des voies de dérivation.
Au final, il garde le langage, les rythmes, à peu près les hauteurs, lire la musique fonctionnait encore, mais incapable de chanter ou de reconnaître la musique (dictée musicale). Ce malade n’a pas pu être récupéré, malgré une rééducation orthophonique et musicale.
Deuxième cas, célèbre : Maurice Ravel.
Tout commence par une lettre de Ravel à Roland Manuel qui comprend de nombreuses ratures. En 1927, il se trompe dans l’accompagnement d’Hélène Jourdan. A Madrid, il passe inconsciemment de la première à la dernière page de sa sonatine. En 1932, il est victime d’un accident de taxi. En 1933, il risque de se noyer, alors qu’il était un très bon nageur : il ne connaît plus ses mouvements de natation. En 1935, il souffre d’agraphie et d’apraxie totales : il ne savait plus se servir de sa serrure. Mais dans le même temps, il pouvait dicter l’intégralité de sa dernière œuvre.
L’examen de Mrs Alajouanine et Baruk en février 1936 montre que Ravel conserve certaines capacités (tempo, affectivité, chant), mais avait perdu d’autres capacités (dictée, langage écrit, agraphie totale, apraxie idéomotrice, perte de l’espace musical). Pour Alajouanince, il s’agissait de maladie de Pick, alors que Baruk considère que Ravel souffre d’amusie. Maurice Ravel avait gardé intact le chant interne (ce qu’avait perdu le chef de chœur précédent).
Dans la mémoire musicale, les deux hémisphères cérébraux sont en jeu : les Alzheimer, qui ont perdu le langage, peuvent ainsi conserver une mémoire musicale.
Par ailleurs, les hippocampes des musiciens âgés sont hypertrophiés. Et le pratique de la musique à un jeune âge contribue au développement du QI.